A Aumessas presque toutes les familles possédaient une magnanerie (mot venant de magnan, ver à soie)
dans le grenier.
Si on observe bien les façades des maisons cévenoles, le dernier étage semble rajouté,
trop haut pour un grenier et trop bas pour un étage normal. Il abritait les ‘‘appartements du magnan’’.
De longues planches reposant sur des tréteaux servaient de tables que l’on appelait claies,
pour l’élevage des vers à soie.
Cet élevage était une affaire de femme. La période d’incubation dure environ 15 jours.
Pour faire mûrir la graine de vers à soie, celle-ci était placée dans un petit sac suspendu
autour du cou et reposait entre les seins de la femme, la magnarelle. La chaleur du corps favorisait
l’éclosion des petites larves. Après 15 jours, l’embryon grignote la paroi de l’oeuf et apparaît
alors le magnan, cette minuscule chenille poilue et noire longue de un millimètre.
Il était courant de prendre en charge une ou deux onces de ‘‘graines’’soit 30 ou 60 grammes d’oeufs
de papillon femelle de vers à soie. Cela produisait 60 à 120 kg de cocons quand tout marchait bien.
Pour la nourriture des vers à soie il était nécessaire de leur donner des feuilles de mûrier.
C’est en 1564 qu’un jardinier de Nimes, François TRANCAT est à l’origine de la propagation
du mûrier nécessaire pour l’élevage du vers à soie. Dans les années 1700 les Cévennes deviennent
le principal centre séricicole français.
A Aumessas les bords des chemins et des près sont plantés en mûriers. La quantité de feuilles
de mûrier est énorme pour alimenter les vers à soie. Il faut compter 1300 kg de feuilles pour une
once de graines. Le ramassage des feuilles constitue un travail pénible et fastidieux.
Toute la famille est requise. Les vers à soie prennent 3 ou 4 repas par jour, ils mangent sans arrêt.
Pendant ces repas de feuilles de mûrier, le bruit provoqué par les mandibules des vers ressemble au
bruit provoqué par une grosse averse sur les frondaisons d’un arbre.
Cela devient assourdissant !...
La croissance du ‘‘magnan’’ est impressionnante pour atteindre 80 fois sa taille d’origine.
Pour cela quatre mues sont nécessaires. Chaque mue peut durer de 24 à 36 heures.
C'est le seul répit pour la magnarelle puisque pendant ce temps ils ne mangent pas.
Après la dernière mue, alors intervient le moment le plus délicat. On fixe sur les claies de grandes
bruyères en arceaux sur lesquelles le ver grimpe et se fixe en tissant une sorte de toile.
Ensuite il commence à secréter de manière ininterrompue le long et unique fil de son cocon,
jour et nuit pendant 48 heures. Le moindre bruit peut-être préjudiciable, un orage peut tout gâcher.
L’étape suivante est le décoconnage. Pour cela il faut enlever la bruyère et trier des milliers de
cocons blancs.
Il sera mis de coté les cocons destinés à la reproduction, les autres seront étouffés
pour tuer la chrysalide enfermée dans le cocon. Le cocon est un immense fil long de 800 à 1200 mètres,
c’est la soie. On plonge les cocons dans de grandes bassines d’eau bouillante et commence alors le
nettoyage des cocons et la recherche du départ du fil de soie. Pour former le futur fil de soie
commercialisable, l’ouvrière (fileuse) réunit 4 ou 5 de ces brins issus des cocons.
Il n'y a pas de tissage en Cévennes, mais par contre la fabrication
de bas de soie prospère en Cévennes notamment à Arre, limitrophe avec Aumessas. L’usine fabricant
les Bas de soie vendus sous la marque ‘‘Bas Lys’’.
A Aumessas existait une filature pour réaliser des bobines servant
à alimenter les machines dénommées métiers. Jadis les ouvriers travaillant sur les métiers
confectionnant des bas étaient appelés ‘‘bassiers’’. C’est le nom que l’on retrouve sur les vieux
registres d’état civil en mairie. Le bâtiment de cette filature existe toujours entre le quartier
de la Merlière et de la Viale coté rivière, celui-ci a été transformé en maison d’habitation qui a
conservé son architecture initiale.
Les bas de soie cévenols auront gainés les nobles mollets de toute
l’Europe. Malheureusement l’apparition de la Pébrine, cette maladie du vers à soie qui ravage les
élevages, annonce le début d’un long déclin que les découvertes de PASTEUR ne parviendront pas à enrayer
complètement.
De cette grande aventure de la soie, le paysage conserve les traces.
les hommes eux en gardent la mémoire comme d’un âge d’or définitivement perdu. Au hasard d’un pré,
en bordure de rivière on peut voir encore un de ces vieux mûriers, aux larges feuilles d’un vert acide
et brillant, réduit au simple rôle ‘‘d’arbre décoratif’’. L’automne, ils sont d’un jaune éclatant,
leurs feuilles tombent d’elles même, inutile de les ramasser....
Autre spécialité en Cévennes ou l'après vers à soie :
Avec le déclin, puis la disparition de l’élevage des vers à soie,
de nombreuses terrasses ou faïsses furent libérées par l’arrachage massif des mûriers.
C’est ainsi que des terres remarquables par leur ensoleillement et leurs ressources en
eau furent réservées à la culture de l’oignon doux. Au point même que certaines terres furent baptisées
‘‘cébiaïres’’ du mot cébe c’est-à-dire oignon, indiquant par là même leur utilisation unique.
Mon père me précisait que les terres du bas du village, Campestret,
produisait des légumes oignons et pommes de terre de qualité encore supérieure.
La raison était peut-être la composition du sol formé d’alluvions remontant en des années lointaines.
La culture de l’oignon en Cévennes et à Aumessas est si ancienne
qu’il est difficile de dater son origine de façon précise. Certains la font remonter au début du
XIXème siècle, sans toutefois que des écrits le confirme.
Le premier véritable développement de l’oignon doux des Cévennes à des fins commerciales
est plus récent puisqu’il date des années 50. A partir de cette époque, l’oignon doux connaît une expansion
permettant aux consommateurs de connaître et d’apprécier ce produit aux qualités intrinsèques
et à le distinguer des autres oignons, principalement par son goût très doux.
Au sein des Cévennes, fort de cette expérience de développement un groupe de producteurs
s’est constitué en Association dans le but de promouvoir l’oignon doux des Cévennes hors des frontières locales.
Une étape supplémentaire était franchie en 1990 avec la création de la SICA ‘‘L’oignon doux des Cévennes’’.